Jin-Kyung - Live through others.

La vie, c'est pas un conte de fée à la Harry Potter, ta baguette magique c'est la seringue de la souffrance. Les bonbons magiques ont le goût de soirée trop arrosées et ton sauveur ne viendra pas te foutre les fesses dans le Poudlard Express. J'ai vécu ma vie dans un palace doré, dans un placard à la mode Moldus et je subis les coups de bec de chouettes enragées.

Vingt-quatre ans de solitude, tant d'années passé dans la certitude que je suis une erreur de la nature, un être non désiré sur cette terre où la seule personne qui aurait été capable de m'aimer, n'est plus de ce monde.
Bien triste réalité à laquelle je survis.

Pour tout vous raconter, il faut retourner au jour de ma naissance. D'aussi loin que je me souviennes, on m'a un jour lancé en pleine face que ma mère fut un temps la maîtresse indésirable d'un paternel strictement riche et célèbre. Elle n'avait pas été sa seule faiblesse féminine mais ce fut la plus tenace, tombant enceinte lorsqu'il s'était lassé d'elle. Amoureusement naïve, elle avait cru pouvoir le garder par ce choix mais ce fut une cruelle désillusion. Intransigeant et sans cœur, il a laissé le choix à sa dite "femme officielle" d'appliquer la punition dont elle souhaitait.
Et ce fut sans appel. A peine né, je fus retiré des bras de ma mère, déjà amoindrie par la tristesse, on apprit quelques temps plus tard qu'elle décéda des suites d'une maladie contracter par le froid hivernale.

Très peu de souvenirs de mon enfance sont joyeux, étant le gamin illégitime, l'ainé parmi une fratrie désunie, j'ai vécu caché, présenté comme le cousin recueilli après le décès de ses parents. Bien triste présentation des choses.
Mis au placard, dans une petite pièce me servant de chambre, je n'ai connu la chaleur des mains de mon père que sous ses coups répétitifs, et le regard noir de ma belle-mère.
Devant l'innocence d'un enfant, je n'ai pas compris un tel rejet de celle que j'appelais "mère", ni que mon frère et ma petite soeur se soient amusé, en grandissant, à noter nos différences.
Ils me faisaient comprendre que je n'étais rien de plus qu'une pièce rapportée et que mon devoir était de me taire et d'encaisser.

Néanmoins, j'ai eu le droit à une éducation élevée, accès à quelques privilèges, des joies de bien courte durée.
Dépressif, j'ai cumulé les erreurs, me suit créer bien des ennuis. Un fin psychologue m'a appris, plus tard, que je tentais simplement de me faire remarquer, quelque soit l'ampleur du danger.

Dix-sept ans, un bel âge où l'on attend avec impatience d'être émancipé de l'autorité parentale. Ce jour de délivrance me tendait les bras. Je le sentais venir comme le messie et pourtant je cumulais les gaffes.
J'ai été arrêté plusieurs fois, parfois sous l'emprise de la drogue, d'autres fois pour troubles à l'ordre public. J'en suis même venu à connaitre le commissariat bien mieux que ma propre maison. Les domestiques ont tenté de m'inculquer quelques valeurs et estime de soi, mais je n'en ai eu que faire.
Dealeur, bagarreur, j'ai perdu ma virginité bien avant de comprendre les bases du sexe, avec une femme ou un homme, j'ai plongé dans la déchéance, l'âme vagabondant dans un corps qui ne m'appartenait presque plus.
Et j'ai survécu, sous les coups de la canne d'un père vieillissant, me rabâchant sans cesse que je n'aurais jamais dû naitre, que je ressemblais à cette femme, un déchet de la société dont il n'avait nul autre choix que de s'en occuper.

J'ai grandit, j'ai fait des expériences, je me suis forgé une carapace sans amour. La loi du plus fort ne dit-on pas ? Je fais partie des faibles, des ratés qui veulent s'échapper.
Alors j'ai profité, de cette offre alléchante qui me tendait les bras. Je n'aurais jamais du me retrouver ici, sur cette île mais le décès de mon frère en fut l'occasion. Le billet aurait du être pour lui, j'ai pris sa place. Pas d'amis, pas de famille, j'ai quitté ce pays sans l'ombre d'un regret.

A l'heure d'aujourd'hui, j'ai changé, la maturité m'a pris aux tripes. Armé par la dure vie que j'ai mené, j'ai réussi à m'en sortir. Mon physique androgyne fut une roue de secours me menant au mannequinat, et la danse un échappatoire salvateur.
Un petit appartement, un job garanti, je traine pourtant derrière moi tant d'années de souffrance, des traits rongés par l'inquiétude et la tristesse. Parfois, je me perds l'espace d'une nuit dans la décadence, drogue, sexe, alcool, un mélange qui me font perdre la tête et oublier que je ne suis pas désiré.
Très peu d'amis, célibataire, je ne peux offrir mon cœur sans connaitre la signification de l'amour.
Peu de compassion, je suis un être froid, dénué de sentiments autre que la rancune qui écrase mon cœur, ne t'approche pas de moi, tu risquerais de te brûler les ailes. Je ne vis pas, je survis.